mardi 21 juin 2011

Et si l'album de l'année...



...n’en était pas un ?
Desproges aurait sans doute apposé son fameux "étonnant, non ?" à cette grandiloquente accroche, qui elle en revanche est bien de moi (pas étonnant, si ?). Trève de plaisanteries, c’est en tout cas la question bien sérieuse que pose l’arrivée de l’ultime volet de la trilogie d’EPs de Vîrus.

Introduite de façon aussi fracassante qu’inquiétante et clôturée par le monuMental "période d’essai", le mc aura déroulé de l’une à l’autre des 12 pistes son fil directeur en même temps que les boyaux de sa tête. Faisant du tout une oeuvre cohérente, torturée et incroyablement dense. Une véritable art-me de dépression massive.



"J’ai pas la tête à faire la fête, plutôt à passer par la fenêtre. Manipulés toute l’année, FUCK les galeries lafayette." (Sale défaite)





Le projet en question relate les errances d’un individu paumé d’un individu dans un monde paumé, ne trouvant sa place ni en société ni dans les cases d’un calendrier mural. Le seul choix restant étant alors de contempler une civilisation qui vacille, sourire aux lèvres et paquet de chips à la main.

La saga se décline en 3 opus correspondants chacun à une date du calendrier. Dates symboliques et synonymes d’aliénation collective et individuelle, sociale et mentale où les excès et travers sont poussés à l’extrême. Ce qui de fait constitue une source abondante de misanthropie dans laquelle il puise pour laisser couler le flot de son aversion de la race humaine. Le tout saupoudré d’un peu de vengeance et de beaucoup de lucidité.

Là où le 15 août est propice au bronzage de nichons sur plages bondées, lui s’enferme à huis clos dans sa boîte crânienne, balance les clefs par la fenêtre et laisse cracher sa plume. Lorsque la masse alcoolisée décompte les secondes qui la sépare du nouvel an, lui s’interroge sur le temps qu’il lui reste avant d’atteindre le point de non-retour. Et la Saint Valentin enfin, qui lui donne l’occasion rêvée de pouvoir exhiber sa prose poé-trique à la gente féminine.



"J’ai entendu parler d’un homme libre qu’utilisait des mots pour soigner son homonyme." (#31#)





Mais le plus inquiétant encore n’est pas tant le fond, mais la forme avec laquelle il le délivre. Car il semble prendre un réel plaisir à écrire les pires saloperies.
Il joue avec les mots, les ampute, les allonge, les retourne, les tord, les broie, les avale, les dégueule…
La langue française est ici traitée comme un monceau de cadavres. Découpée à la feuille de boucher, elle est recomposée pièce par pièce en un seul corps pour ensuite prendre vie de façon autonome à la manière de la célèbre créature de Mary Shelley. Un monstre vîrusien.

Tandis que la volaille rapologique se bat à coups de punchlines et phrases chocs pour déterminer qui sera le roi de la basse-cour, Vîrus préfère miser sur un phrasé subtil bâti sur plusieurs niveaux de lecture et consolidé par les fondations sonores de Banane.
A vrai dire, s’il devait s’assoir sur le trône tant convoité du rap ga(y)me, il chierait sans doute dessus avant de le laisser vacant. Fi des égotrips vul-gar-garisés et place à l’égotrip de dépressif.


"Si vous voulez m’aimer, allez-y, moi j’y arrive pas…" (Période d’essai)




Sociopathe, frustré, asocial, marginal ou inapte à l’intégration sont autant de termes que l’on pourrait lui affubler. Mais le dernier volet de la trilogie, certainement le plus intimiste, nous montre une personnalité plus complexe.
Car s’il est vrai qu’il vise tout ce qui l’exècre, il est aussi vrai que sa première cible est avant tout inscrite sur son front. Comme l’écrivait l’auteure de Frankenstein citée plus haut : "Vous me détestez, mais votre dégoût ne peut égaler celui que j'ai pour moi."
Et plus surprenant encore, on peut entrevoir quelques émanations de lumière dans le cloaque qui lui sert de crâne : "Mais ça va, j’reste connecté aux étoiles. Apprend à rêver à l’étroit" ; "j’me surprends à souhaiter du bien". Pensées qui sèment le doute juste avant de claquer la porte et qui font maintenant espérer un album…



#BVSC attitude*, Vîrus a donc débarqué dans le paysage musical avec nonchalance, sifflant façon Omar Little et pissant sur les "potos" du rap français.

Alors inquiétez-vous le jour où vous ne l’entendrez plus, en attendant vous êtes prévenus, Vîrus vomit sa haine du genre humain et ses avatars* rigolent plus.












* Buena Vista Sociopathes Club
* Dans l'hindouisme, un avatar est l'incarnation d'une divinité sur terre, en réponse à un besoin de l'humanité. Les enseignements d'un avatar contribuent à son avancement sur le chemin de l'évolution.

8 commentaires:

  1. Très bon article, Vîrus le mérite amplement.

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  2. Article très bien écrit, qui retranscrit à la lettre près l'univers de Virus! Très bon artiste, atypique, tout pour déplaire, mais c'est ça qu'on aime.

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  3. bon plan...je ne connaissais pas. Maintenant je connais. ;-)

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  4. Il est bon cet article, tout comme vîrus (et oui, j'me risque à le dire...)Les 3 ep's sont OP :D,les 3 volets sortent en physique? belle découverte en tout cas, par contre on sait pas grand chose sur Banane,ce mec est fort aussi...

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  5. Y pète ton article ;)
    Puis sans contestation possible pour le meilleur non-bulm de VIrus

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  6. De l'égotrip de dépréssif !
    Vîrus , est créatif et incisif
    belle réussite

    skizofren

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  7. #BVSC attitude.
    je passe, je siffle, et j'garde mon fusil sous le pardessus, au cas où.
    quand au rap gayme, vaut mieux l'laisser à ceux qui en veulent et à leur "entourage"...

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  8. comme c'est bien écrit ^^

    l'attente entre 31/12 et 14/02 a parue être une éternité. Et l'objet du désir valait bien cette attente.
    Tout a été dit pour "la voix", alors un clin d'oeil aux instrus de Banane, encore 4 tueries.

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